... La Terre était plate

Publié le par Fantasimus

L'ancienne TerreAu réveil, un matin, une pensée fugace traversa mon esprit. La question suivante se posait à la piètre sagacité de mon intellect : et si la Terre, tout d'un coup, en une fraction de seconde, devenait... plate ?


Bigre ! Radical changement géophysique que voilà qui aurait à n'en pas douter un certain nombre de conséquences métaphysiques. Mon imagination se mit en marche et tenta d'aborder les vertigineuses répercussions de ce problème sur la marche du monde, d'abord, et sur la psyché humaine, ensuite. J'essaierai ci-dessous de retranscrire le chemin que suivit alors ma pensée dans les affres d'un sommeil finissant.


Donc, la Terre s'aplanirait sans crier gare. Le globe se changerait brutalement, sans nous demander notre avis, en un disque infiniment plat. Il va de soi que ce disque devrait conserver sensiblement la même masse que le globe actuel pour que l'astre terrestre continue à graviter avec élégance autour du Soleil.


Mais, bien qu'infiniment plate, notre planète serait tout de même limitée par des bords – cette idée burlesque pourrait choquer je le sais plus d'un esprit scientifique eu égard aux assertions du paragraphe précédent, et je m'en excuse par avance auprès d'eux, mais elle est nécessaire pour comprendre la suite de cet article.


Par conséquent, ces bords, ces limites, ces frontières matérielles entre le sol et l'espace seraient tranchantes comme le fil d'un rasoir. Comment, dans ces conditions, passer d'une face de la Terre à l'autre sans risquer de se blesser mortellement, sans poser le pied sur ces bordures extrêmement coupantes ? Une tentative de saut pour écarter ce danger lors du passage d'une face à l'autre se solderait évidemment par un échec, puisqu'à l'instant précis où l'individu bondissant passerait dans le plan de la Terre, l'attraction de celle-ci – nulle à cet endroit à cause de son infinie platitude – ne se faisant plus sentir, ledit individu s'éloignerait à jamais dans l'immensité de l'espace sans aucun espoir d'atterrissage sur l'autre face. Il va de soi que tout objet volant classique (avion, dirigeable, montgolfière...) subirait le même sort que l'individu dont je viens de parler.


Mon imagination en concluait que l'humanité serait aléatoirement scindée en deux, une partie de celle-ci vivant sur une face de la Terre et l'autre partie occupant la seconde. Je dis bien « aléatoirement » car l'aplatissement interviendrait par hasard, à un instant non connu d'avance et en écrasant le globe dans un plan non connu d'avance lui non plus. Cela pourrait avoir la fâcheuse conséquence de redistribuer les cartes de la géopolitique mondiale, puisque les pays producteurs d'or noir pourraient par exemple tous se retrouver sur une même face terrestre, privant par la même occasion l'autre face de toute ressource pétrolière. Imaginons les français privés d'essence : ce serait – n'en doutons pas – la révolution.


Le seul moyen de passer d'une face à l'autre serait de gagner la Lune en astronef, la Lune servant alors de station relais pour rejoindre l'autre face. Bien entendu, ceci ne serait possible que dans quelques décennies, le temps que l'humanité ait rendu la Lune plus praticable qu'elle ne l'est actuellement.


Sur Terre, le jour se lèverait en un millionième de seconde, et non dans le lent et splendide dégradé de couleurs de l'aube naissante que nous ne connaîtrions plus jamais. La nuit tomberait en un millionième de seconde également, nous privant des agréables et longues soirées d'été à flâner en bord de mer jusqu'à onze heures du soir. La lumière disparaîtrait donc comme éteinte par un interrupteur pour réapparaître de la même façon le lendemain matin : cela, avouons-le, passerait l'envie à un certain nombre de poètes de vanter la majesté de l'aurore ou de chanter la mélancolie du crépuscule.


Les profondeurs abyssales des océans et les inaccessibles hauteurs des montagnes n'existeraient plus. Tout serait plat, banalement plat, ce qui ferait sans doute perdre à la France son statut de pays le plus visité au monde, et ce qui autoriserait les Belges, nobles habitants du « plat pays », à narguer les plus sportifs des Grenoblois privés pour l'éternité de leurs obsessionnelles virées à ski. Quid des chutes du Niagara ? Quid des sommets du Kilimandjaro ? Quid des gorges de l'Aveyron ? Tout cela serait réduit à néant, au plus désespérant néant que pourrait imaginer un passionné de géographie ou un amoureux transi de la nature.


Dans ce contexte de platitude nouvelle, les hommes concevraient un profond dégoût, voire une horreur, du maigre et du plat. La mode et le mannequinat oublieraient leur adoration démesurée de la minceur pour faire désormais la part belle au gros, au gras, aSus aux pizzas !u rond. Le sport deviendrait désuet, voire dangereux, car risquant de faire perdre leurs kilos superflus à ses pratiquants qui craindraient par dessus tout de ressembler à ce disque terrestre de malheur. La consommation d'oranges, de pamplemousses, de tomates et autres fruits et légumes rondelets se trouverait décuplée. Les recettes de tartes, quiches et autres crêpes seraient condamnées à l'oubli. Seule la calzone survivrait dans l'impitoyable génocide des pizzas. Les restaurants ne serviraient plus d'eau plate, mais seulement de l'eau gazeuse. Les Jeux Olympiques consacreraient leur nouvelle discipline reine : le lancer du poids, évidemment. Quant au lancer du disque, il serait définitivement banni des stades. Enfin, l'Académie française aurait la bonne idée de purifier la belle langue de Molière de quelques termes désormais inusités, voire gênants, comme « planifier » ou « aplatir ». Quel changement dans les mentalités, quelle inversion étonnante des moeurs de nos contemporains ! Et tout ceci ne serait dû qu'à un simple aplatissement du globe terrestre...


Ajoutons un dernier point, important : il vaudrait mieux, pour préserver l'équilibre ô combien fragile (nous scandent les médias) de notre écosystème planétaire, que les bords du disque terrestre soient ceinturés par un continent, et non pas un océan : en effet, si tel n'était pas le cas, toute l'eau des mers cherrait infailliblement dans l'espace, notre planète s'assècherait, la température de l'atmocercle (nouvelle appellation pour « atmosphère », platitude oblige) augmenterait inexorablement, et l'humanité périrait inmanquablement de soif dans une fournaise interminablement croissante.


Cette menace, bien que peu probable, inquiéterait malgré tout les scientifiques. Et si la tectonique des plaques déplaçait progressivement ce « continent-ceinture » à un autre point du disque terrestre, si bien que l'eau des mers disparaîtrait dans l'espace ? Question cruciale à laquelle la communauté internationale opposerait une réponse certes un peu coûteuse, mais ô combien mémorable dans l'histoire du progrès technique : le « gonflement pneumatique ». Cette parade salvatrice remplacerait avantageusement dans l'esprit des journalistes et de leurs lecteurs apeurés le risque de réchauffement climatique dont nous avons parlé précédemment. Mais comment mettre en oeuvre ce « gonflement pneumatique » ? Il suffirait probablement de brancher une gigantesque pompe à air sur le nombril de la Terre, situé à peu près au milieu de l'océan Atlantique, et de pomper sans relâche jusqu'à ce que le disque terrestre, regonflé à bloc, devienne à nouveau globe !


Par Fantasimus

Le lancer du disqueLe lancer du disque était pourtant une discipline très ancienne...

Publié dans Sciences

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T
Je suis depuis longtemps détaché des choses terrestres, cependant, si l'on perce un trou au centre de la terre plate, ne peut-on pas passer sans risque d'un monde à l'autre ?
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A
La Terre... Source d'inspiration pour certains, source d'ennuis pour d'autres...
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P
Mince, j'aimais bien la quatre fromages !
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